Le Poissard / Journal de la Maison centrale de Poissy, 2013

Le Poissard : un journal réalisé avec des hommes détenus à la MaisonCentrale de Poissy dans le cadre d'ateliers d'écriture et de photographiemené par Cécile Charrier, auteure, et Laetitia Tura, photographe / le bar Floréalavec le soutien de l’atelier de graphistes « Nous Travaillons Ensemble ». 2013.

L’atelier du « Poissard » est un pari créatif au sein d’un universcarcéral, la Maison centrale de Poissy. D’emblée, l’acte créatif implique defortes contraintes : du droit à l’image à ce qu’il est possible de dire deson quotidien immédiat, en passant par une salle de travail impersonnelle etdes restrictions des lieux de prises de vue.

Dans ce contexte, qu'est-ce qui est possible, et que pouvons-noussoutenir comme expression de soi ? « Les lieux du corps » aété le thème choisi en 2013 à l’issue d’unéchange : questionner ce rapport à soi par le biais du corps pourpouvoir imaginer un autrement, ailleurs.

Nous avons proposé aux participants de se mettre en route sur unchemin dirigé à la fois vers soi et vers lecollectif. Eux : poser une parole, (se) mettre en image, mettre enforme un récitNous : mettre en partage maisaussi questionner nos pratiques et nos esthétiques, confrontées à lasingularité de l’autre et aux contraintes imposées.

Partager l’écriture et des photographies, c’est aller vers l'échange, la relationQuelest ce regard posé sur moi, que puis-je en faire, quel partage vais-je pouvoirm’autoriser ?

Ici, la condition du portrait impose la mise en scène de soi parl’exclusion du décor carcéral. La mise en œuvre d’un studio recentre leregard sur les individus. Que fait-il, ce corps, que peut-il dire surtout parl’image qu’il renvoie ? Ce face à face ne se donne pas d’emblée. Fruitd’un processus qui passe par une danse, par des accessoires que parfois onlâche en chemin.

Les mots sur les sensations, les éprouvés, sont le lien qui permet à chacund’être présent à lui-même dans cette expression : il y a la pensée, quiprend corps, il y a le corps, qui permet la pensée. Écrire sur le corps, c'est aussi l'entendreau plus près d'une expérience intime. S'accorder le droit à la parole, c'estentendre au travers du groupe que chacun a une pensée unique, née de son vécu,et de ce qu'il est devenu, etqu'il n'y a pas une parole qui serait plus légitime qu'une autre.

Choisir ce que l’on montre de soi, en conscience: la photo, les mots, sont autant de visages qui touchent celui qui, enréponse, prend le temps d'un regard.

Ci-dessous : pages extraites du journal.